L’Île de Sein : collectivité française la plus décorée de la Seconde Guerre mondiale

« Devant l'invasion ennemie, s'est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer. A envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France libre devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne tout entière. »

Décret du 1er janvier 1946 attribuant la croix de la Libération à l’Île de Sein

Située au large de la Pointe du Raz, en Bretagne, la petite île de Sein comprend environ 1 400 habitants au début de la Seconde Guerre mondiale.

L’île n’ayant pas d’électricité, les informations sur la situation militaire parviennent aux Sénans par le biais des rares postes de TSF à accumulateur. Le 22 juin 1940, alors que les Allemands occupent déjà la Bretagne, quelques dizaines d’habitants, réunis autour d'un des postes de radio, entendent le second discours d’appel à la résistance du général de Gaulle. Fortement impressionné par le discours de ce général alors peu connu, chacun retourne chez soi alors que des avions bombardent des cargos qui passent au large. C’est également par la radio qu’ils ont appris, quelques jours plus tôt, la chute de Rennes et l’évacuation de Brest. Entre les 24 et 26 juin, 114 d’entre eux embarquent à bord de cinq bateaux de pêche. Au total, 133 Sénans s’engageront en Grande-Bretagne, soit la quasi-totalité des hommes de l’île en âge de se battre ; le plus âgé a 54 ans et le plus jeune, qui s’est embarqué clandestinement, en a 14. À leur arrivée en Angleterre, ils reçoivent diverses affectations, la plupart étant admis dans les Forces navales françaises libres ou affectés dans la marine marchande de la France libre afin de participer au ravitaillement de l'Angleterre. D’autres rejoignent les fusiliers marins ou les vedettes rapides qui seront engagées dans la Manche. Dix-huit d'entre eux y laisseront la vie (quatre autres Sénans sont morts pour la France mais sans avoir rallié l’Angleterre).

Début juillet 1940, le général de Gaulle vient à la rencontre des Sénans et des 300 autres volontaires à l’Olympia Hall, à Londres. Tout en leur serrant la main, il les interroge sur leur provenance et, extrêmement surpris du nombre d’îliens présents parmi les résistants, aurait déclaré : « L'île de Sein, c'est donc le quart de la France ! »

Sur l’île, dès juillet 1940, les Allemands installent des mines et des barbelés, affectent une petite garnison d'infanterie ainsi que la douane maritime afin d’exercer un contrôle sur les bateaux de pêche. Pendant toute la durée de l'Occupation, les conditions de vies sont rudes en raison de l’absence des hommes et du manque de revenus. La malnutrition touche la population qui fait preuve d'une grande solidarité. Le recteur met ainsi en place une cantine scolaire pour les garçons dont les pères ont rejoint l'Angleterre. De son côté, le maire, interlocuteur obligé de l'occupant, tente comme il le peut d'améliorer le sort de ses concitoyens. Des actions héroïques ont également lieu : le 1er mai 1943, fidèles aux traditions de sauveteurs des Sénans, qui leur a valu sous l’Ancien Régime d’être exempté d’impôt, les marins du sloop Pax Vobis, assistant à un combat aérien au-dessus d'Ouessant, viennent en aide à trois aviateurs d'un bombardier américain tombé en mer, les recueillent et les ramènent sur Sein.

Vue panoramique de l'Île de Sein

Vue panoramique de l'Île de Sein

Croix de la Libération

Médaille de la Résistance française avec rosette

Croix de guerre 39-45

Ce n’est que le 4 août 1944 que la libération de l’île a lieu. À son départ, la garnison allemande détruit le phare. Deux ans plus tard, le 30 août 1946, le général de Gaulle se rend sur l'île et lui remet la croix de la Libération à l'occasion d'une cérémonie simple et émouvante. En s’adressant à la foule, il déclare : « La France, vous l'avez sauvée. Il ne faut pas qu'on l'oublie. La France se relève tout doucement. Elle est immortelle, elle nous enterrera tous ». Président de la République, il y retourne une seconde fois, le 7 septembre 1960, pour inaugurer le monument en l’honneur des Français libres qui porte la devise en breton « Kentoc'h Mervel » (plutôt mourir) et la citation, inspirée de Charles Péguy, « Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a toujours raison ».

L'île de Sein est la collectivité française la plus décorée au titre de la Seconde Guerre mondiale (Compagnon de la Libération, Croix de Guerre 39-45 et Médaille de la Résistance avec rosette), et la seule collectivité territoriale à la fois compagnon de la Libération et médaillée de la Résistance. Elle le doit à son engagement collectif unique qui a pour origine la détermination des Sénans ainsi que sa proximité géographique avec l’Angleterre.

Auteur : Vladimir Trouplin, directeur scientifique de l’Ordre de la Libération