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Après la guerre, quelle Europe ? (CM n° 250)

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1945, reconstruire la France ( CM n° 249)

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Georges Picquart

1854 - 1914

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Eugène Carrière, portrait du "Héros de l'Affaire Dreyfus".©Musée Eugène Carrière

 

Georges Picquart naît à Geudertheim, en Alsace, en 1854. Brillant élève au lycée Impérial de Strasbourg, il voit sa scolarité interrompue par la guerre contre la Prusse, en 1870. Suite à l’annexion de l’Alsace-Moselle, sa famille se replie à Versailles. Le traumatisme de la défaite et du déracinement joue sans doute dans sa décision d’embrasser une carrière militaire qui débute sous les meilleurs auspices : sorti 5e de sa promotion de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, son parcours est sans faille. Brillant officier attaché aux valeurs républicaines, Picquart franchit au pas de course les différents grades. D’une grande culture, polyglotte - il parle couramment six langues – il fréquente assidûment salons, musées et salles de spectacles. Mélomane, il se lie d’amitié avec Gustav Mahler et n’hésite pas à traverser l’Europe pour assister aux concerts que dirige le compositeur et chef d'orchestre autrichien. Après plusieurs campagnes en Algérie et au Tonkin, il intègre en 1893 l’état-major du général Galliffet comme sous-chef de bureau. C’est à ce titre qu’il participe, sans y tenir un rôle central, à l’enquête sur le capitaine Dreyfus, accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne. Alfred Dreyfus est jugé à huis clos par un conseil de guerre qui le condamne fin 1894 à la dégradation et à la déportation à perpétuité en Guyane.

 En juillet 1895, en remplacement du colonel Sandherr,  Georges Picquart devient chargé des affaires de contre-espionnage à la direction du Deuxième bureau (dit Section de Statistiques).  Autrement dit, il prend la tête du Service des renseignements. Parallèlement, il enseigne la topographie à l’École supérieure de guerre. Économe en mots, respectueux de l’ordre militaire, il est animé de la volonté de moderniser l’armée dans un souci d’efficacité technique. Le 6 avril 1896, le plus jeune dans ce grade, il est nommé lieutenant-colonel. Il jouit de la confiance de ses chefs, ses feuilles de notation louent son caractère « aimable et sympathique », son jugement « très droit », son éducation « parfaite », son instruction « très étendue » et son intelligence « supérieure ». Il représente incontestablement l’avenir de l’armée française.

Tout bascule un an plus tard.

En mars 1896, Picquart découvre dans une liasse de documents provenant de l’ambassade d’Allemagne la pièce qui allait relancer l’affaire Dreyfus. Cette feuille de papier – le fameux « petit bleu » - confrontée au « bordereau » injustement attribué à Dreyfus lors de son procès, apporte pour Picquart la preuve irréfutable de l’innocence du déporté de l’île du Diable. Sa conviction faite, Picquart entreprend avec une détermination absolue de faire triompher la vérité. Ce sens du devoir de vérité, cette conception de la justice qu’il place au-dessus de toute autre considération – et au-dessus d’un incertain intérêt supérieur de l’armée – sont des traits déterminants de la personnalité de Picquart. En reprenant l’enquête de son prédécesseur, Picquart est rapidement convaincu de l’innocence du capitaine Dreyfus et de la culpabilité du commandant Ferdinand Esterhazy. Ses conclusions n’allant pas dans le sens de la version officielle de l’affaire, la carrière de Picquart connaît un coup d’arrêt brutal : démis de ses fonctions à la tête du renseignement en octobre 1896, Picquart est envoyé pour une durée indéterminée en mission d’inspection en France puis en Algérie et en Tunisie, dans un secteur si exposé que, le 2 avril 1897, Picquart, qui se sent menacé, rédige son testament.

Mais Georges Picquart est un homme obstiné dans sa quête de vérité : les vexations dont il est victime renforcent sa détermination à faire triompher la justice. Il s’engage de plus en plus aux côtés des dreyfusards, ce qui lui vaut à son tour d’être mis en accusation. Il faut dire que le général Mercier, ministre de la Guerre, est un farouche anti-dreyfusard. Quand on sait que le Président de la République, Félix Faure, est également hostile à toute révision du procès de Dreyfus, on peut se faire une idée plus précise de la ténacité de Picquart. Celle-ci lui vaut d’être mis en réforme, c’est-à-dire renvoyé - de l’armée en février 1898, puis d’être arrêté et emprisonné onze mois durant, du 13 juillet 1898 au 9 juin 1899 pour avoir transmis à un homme politique, Auguste Scheurer-Kestner, les preuves dont il disposait pour innocenter Dreyfus.

Héros pour les dreyfusards, traître pour leurs adversaires, Picquart est un des acteurs majeurs du procès de Rennes de 1899 qui se conclue par la grâce et l’amnistie de Dreyfus. Pour autant, Picquart, qui ne vit plus désormais que de sa pension de réforme, n’abandonne pas son combat pour la vérité : ce verdict qui ménage l’honneur de l’armée, sans rétablir le sien, lui fait horreur. Picquart l’intransigeant s’oppose de toute son âme à ceux qu’il affuble du terme d’« épongistes » car ils entendent oublier le passé. Durant sa traversée du désert, son seul horizon est la réhabilitation pleine et entière. Dreyfus doit être rejugé pour que son innocence soit enfin reconnue : cela seul pourra effacer l’injustice faite au capitaine dégradé mais aussi réparer l’atteinte portée à l’honneur et à la carrière du lieutenant-colonel réformé. Dans sa quête de vérité, Picquart aura donc lié son destin à celui de Dreyfus.

Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation annule le jugement de Rennes, reconnaît l’innocence de Dreyfus et prononce son arrêt de réhabilitation. Picquart, de son côté, n’a pas à être réhabilité car il n’a pas été condamné. En revanche, sa carrière militaire a été stoppée net et il entend bien obtenir réparation. Le 13 juillet 1906, deux projets de loi de réintégration sont déposés, l’un pour Dreyfus, l’autre pour Picquart. Ils sont adoptés à une très large majorité, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. On y lit :

« La proclamation de l’innocence de Dreyfus démontre la légitimité des efforts que le lieutenant-colonel Picquart, au risque de briser définitivement sa carrière, tentait loyalement et courageusement dès 1896 pour faire triompher la vérité. Cet officier supérieur, mis en réforme le 26 février 1898, ne peut être réintégré que par la loi dans les cadres de l’activité. Nous vous demandons, en outre, d’effacer définitivement les effets de cette réforme, de lui conférer le grade de général de brigade auquel sont parvenus 64 officiers moins anciens que lui dans le grade de lieutenant-colonel ou d’une ancienneté égale et de faire remonter sa nomination au 10 juillet 1903, veille du jour auquel a été promu le plus ancien de ces officiers généraux. »

Justice a été rendue à Picquart. Son honneur est lavé. Sa carrière reprend sa marche en avant. Désormais général de brigade avec une ancienneté, rétroactive, de trois ans, Picquart est promu général de division le 23 octobre 1906. Au même moment, les élections voient la victoire des radicaux de Georges Clemenceau, celui-là même qui travaillait pour L’Aurore, le quotidien qui avait publié le « J’accuse… ! » de Zola. Le « premier flic de France » devient président du Conseil. Il connaît bien le général alsacien dont il a pu apprécier la force de caractère, l’indépendance d’esprit et le courage. À la surprise générale, et en premier lieu à celle de l’intéressé, il en fait son ministre de la Guerre.

Plus que tout autre, l’ancien proscrit sait bien que l’Affaire a laissé des traces et des divisions au sein de l’armée. Une fois au gouvernement, il s’efforce de la reconstruire plus démocratiquement. Le nouveau ministre multiplie les visites et les rencontres de terrain et se montre soucieux d’améliorer le sort des hommes de troupe en favorisant les progrès dans les domaines du logement, de l’alimentation, de l’hygiène, des modes de transport et des conditions d’emploi. Il entend montrer au pays que le gouvernement se soucie de ses soldats. Il perfectionne la formation des soldats et s’appuie sur Foch et Joffre pour moderniser les écoles militaires. Il œuvre à la réconciliation de l’armée avec elle-même et avec la nation. Son action apaise les affrontements politiques et affirme la République en son sein. Enfin, le fil rouge de son action en tant que ministre de la Guerre est la volonté de moderniser les matériels militaires, notamment dans le domaine de l’artillerie. Fin juillet 1909, à la chute du gouvernement Clemenceau, c’est presque avec soulagement que le général Picquart quitte ses fonctions ministérielles, en dépit d’un bilan plus qu’honnête.

Après quelques mois de liberté passés à voyager, Picquart retrouve un commandement en février 1910. Âgé de 56 ans, il devient – c’est une constante dans son cursus – le plus jeune commandant de corps d’armée en prenant la tête du 2e corps d’armée basé à Amiens.

Le 14 janvier 1914, comme tous les jours, Georges Picquart sort à cheval. Il est 7h30, il fait un froid à pierre fendre et le sol est dur, gelé depuis plusieurs jours. Il monte Voltigeur, un cheval notoirement agité. Le général est accompagné de son porte-fanion. Sur un chemin de terre, entre Dury et Saint-Fuscien, alors qu’il est au grand trot, Voltigeur fait une faute suivie d’une ruade. Son cavalier lâche les rênes, passe par-dessus le cheval et tombe sur la tête. Il se relève, reste très flegmatique en dépit d’une hémorragie importante, refuse de se reposer, remonte à cheval et reprend aussitôt la direction d’Amiens. Arrivé à son QG, il descend de sa monture et, comme toujours, ne la quitte pas sans lui avoir donné un morceau de sucre. Le jour-même et le lendemain, le général est à son poste, contre l’avis de son médecin et de ses proches. Mais son état se dégrade : la chute, violente, a engendré un œdème de la face qui s’aggrave et provoque des crises d’étouffement de plus en plus violentes. La dernière lui est fatale. Georges Picquart meurt au matin du 19 janvier 1914. Il n’avait pas 60 ans.

 

Rouget de Lisle

1760-1836

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Claude-Joseph Rouget de Lisle. 1792 © BnF

Né à Lons-le-Saunier le 10 mai 1760, Claude-Joseph Rouget joue du violon, et, encore enfant, compose instinctivement. Afin de pouvoir entrer à l’École du génie à Paris à seize ans, il ajouta à son nom la désinence « de Lisle », empruntée à son grand-père.

Sorti lieutenant six ans plus tard, et après trois affectations, il est envoyé à Strasbourg en 1791, où, avec d’autres officiers, il est reçu dans les salons du maire Dietrich, qui, lassé d’entendre les « ça ira, ça ira ! » demande au jeune capitaine, déjà réputé compositeur, d’écrire un chant patriotique… Surpris, Rouget veut se dérober, mais cède au maire et aux officiers qui le pressent de s’exécuter.

Rentré chez lui, il saisit son violon et en tire des arpèges tandis que les phrases entendues la veille lui martèlent la tête. Peu à peu la mélodie naît et les paroles se superposent à la musique. Épuisé, l’auteur s’endort. Dès l’aube, il se rend chez le maire, qui, surpris de tant de rapidité, se met au clavecin et apprécie le chant. Il convoque les officiers présents la veille et d’une voix forte, entonne : « Allons enfants de la patrie ». Tous se déclarent ravis et Rouget est heureux.

Ce chant sera exécuté publiquement place d’Armes, le 29 avril, en présence de huit bataillons alignés pour la revue de départ. Les hommes écoutent et sont galvanisés. Ce chant est vite connu à Paris, à Marseille où le régiment en partance pour la capitale l’adopte . il prend le nom de Marseillaise. Le jeune capitaine est envoyé à Huningue pour y diriger les travaux de cette place et, le 14 juillet, le chant est exécuté au camp de Hoensingue. Le 25 août 1792, Rouget est relevé de ses fonctions par les commissaires du gouvernement, car il avait protesté contre l’internement de Dietrich.

Après la proclamation de la République, il est réintégré et rejoint l’armée du Nord, mais suspendu de ses fonctions de capitaine, il devient suspect. Arrêté, sans doute pour avoir critiqué l’exécution de l’ancien maire de Strasbourg, il est emprisonné et rédige un mémoire. La mort de Robespierre lui rend la liberté.

 

 

Le décret de la Convention daté du 26 messidor an III, qui choisit La Marseillaise comme chant national ne fut jamais appliqué.

Réintégré dans l’armée, Rouget de Lisle démissionne pour retrouver la poésie et la musique. Le 10 vendémiaire de l’an IV, il est représenté à l’Opéra et à l’Opéra Comique. Bonaparte demande à Rouget de lui composer un chant qui, non apprécié, est refusé. Rouget, mortifié, écrit une lettre arrogante à Bonaparte. Il ne servira jamais l’Empire et redevient suspect. En 1812, il part vivre à Montaigu (Jura) dans la maison de famille et compose . en 1817, il se retire à Paris et publie en 1825 un recueil de cinquante Chants français.

Le duc d’Orléans qui fut le compagnon d’armes du capitaine Rouget de Lisle lui accorde trois pensions, le mettant ainsi à l’abri du besoin. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Il décède à Choisy-le-Roi, âgé de soixante-dix-sept ans, ignorant que son chant deviendrait l’hymne national de la France en 1879. Il fut inhumé au cimetière de Choisy-le-Roi et ses cendres furent déposées aux Invalides le 14 juillet 1915.

Marie-Louise Jacotey, historienne

Transfert aux Invalides des cendres de Rouget de Lisle - 14 juillet 1915 © BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF

 

Source : www.archivesdefrance.culture.gouv.fr

Henry Dunant

1828-1910

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Henry Dunant. Domaine public

 

En 1859, un jeune Suisse du nom de Henry Dunant découvre, sur le champ de bataille de Solferino en Italie, les horreurs de la guerre. Il décide de créer une organisation internationale pour venir en aide aux blessés des conflits.

Ce sera la Croix-Rouge.

Né à Genève le 8 mai 1828, Henry Dunant est issu d'une famille calviniste très pieuse et pratiquant la charité. Abandonnant ses études secondaires, il entre en apprentissage dans une banque genevoise. Il œuvre dans l'action sociale et consacre une partie de son temps à visiter les prisonniers et à aider les démunis.

En 1853, il part en Algérie pour prendre la direction d'une colonie suisse de Sétif. Il se lance dans la construction d'un moulin à blé, mais n'obtenant pas la concession de territoire indispensable pour le faire fonctionner, il va à Paris pour rencontrer Napoléon III. Or celui-ci est à la tête des troupes franco-sardes qui se battent dans le nord de l'Italie contre les Autrichiens. Dunant se rend sur place pour voir l'empereur. Le 24 juin 1859, jour de la bataille, il arrive à Castiglione, en Lombardie, petite ville proche du lieu des combats. Le lendemain, il découvre le champ de bataille de Solferino. "Celui qui parcourt cet immense théâtre des combats de la veille y rencontre à chaque pas, et au milieu d'une confusion sans pareille, des désespoirs inexprimables et des misères de tous genres". Devant tant de malheurs, Dunant prend en main l'organisation des secours et obtient qu'on traite les prisonniers autrichiens de la même façon que les autres soldats. Il obtient aussi que les médecins autrichiens prisonniers soient autorisés à soigner les blessés.

De retour à Genève, il écrit Un souvenir de Solferino (1862) dans lequel il raconte la bataille et expose ses idées pour améliorer le sort des blessés. "N'y aurait-il pas moyen, pendant une époque de paix et de tranquillité, de constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés en temps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués et bien qualifiés ?"

Dunant crée, le 17 février 1863, un comité international et permanent de secours aux militaires blessés, qui prendra en 1875 le nom de Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le 26 octobre 1863, une quinzaine de pays participent à la conférence internationale de Genève qui constitue vraiment l'acte fondateur de la Croix-Rouge. Soutenu par Napoléon III, le comité, dont Dunant est membre et secrétaire, prépare la Convention de Genève signée en 1864 par quinze pays.

Désormais célèbre, Dunant est reçu par de nombreux chefs d'État. Mais ses affaires financières se portent mal . il est déclaré en faillite en 1867. Ruiné, endetté, il est contraint de démissionner de son poste au Comité international. À Paris, il en est réduit à dormir sur les bancs publics. Pourtant, l'impératrice Eugénie le convoque au palais des Tuileries pour avoir son avis sur l'extension de la convention de Genève à la guerre sur mer. Dunant est alors nommé membre d'honneur des sociétés nationales de la Croix-Rouge d'Autriche, de Hollande, de Suède, de Prusse et d'Espagne.

Durant la guerre franco-prussienne de 1870, il visite les blessés ramenés à Paris et introduit le port de la plaque d'identité qui permettra d'identifier les morts.

La paix revenue, Dunant se rend à Londres, d'où il s'efforce d'organiser une conférence diplomatique pour statuer sur le sort des prisonniers de guerre . le tsar l'encourage, mais l'Angleterre est hostile au projet. Le 1er février 1875, à son initiative, s'ouvre à Londres un congrès international pour "l'abolition complète et définitive de la traite des nègres et du commerce d'esclaves".

Puis viennent des années d'errance et de misère : Dunant voyage à pied en Alsace, en Allemagne et en Italie . il vit de charité et de l'hospitalité de quelques amis. Finalement, en 1887, il échoue dans une bourgade suisse surplombant le lac de Constance : Heiden.

Malade, il trouve refuge à l'hospice et c'est là qu'en 1895 le découvre un journaliste, qui lui consacre un article repris quelques jours plus tard par la presse de toute l'Europe. Dunant redevient d'un coup célèbre et honoré. En 1901, il reçoit le premier prix Nobel de la paix. Il meurt le 30 octobre 1910.

 

In Les Chemins de la Mémoire, 196/juillet-août 2009

René Cassin

1887-1976

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René Cassin. Domaine public

 

"Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit". Ainsi s'exprime René Cassin, grand juriste français et l'un des pères de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nul mieux que lui n'a compris que les droits de l'homme et la paix étaient indissolublement liés.

Appartenant à une vieille famille de tradition juive, René Samuel Cassin voit le jour le 5 octobre 1887 à Bayonne. Après de brillantes études au lycée Masséna de Nice, il entre à la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Licencié ès-Lettres, premier prix au concours général des facultés de droit, il devient docteur ès-sciences juridiques, économiques et politiques et obtiendra son agrégation en droit privé en 1919.

René Cassin est mobilisé en 1914 comme caporal chef. Un tir de mitrailleuse le blesse grièvement le 12 octobre de la même année à Saint-Mihiel. Il reçoit la Croix de guerre avec palme et la Médaille militaire. Réformé, il enseigne à la faculté d'Aix-en-Provence, puis à celles de Marseille, Lille et Paris. Par solidarité avec ses anciens camarades de combat, il participe dès 1917 à la création de l'une des toutes premières associations de victimes de guerre. En 1929, il devient vice-président du conseil supérieur des pupilles de la nation. Jusqu'en 1940, il consacre une partie de ses activités aux anciens combattants et fera voter plusieurs lois en faveur des victimes de guerre.

Militant de la paix, René Cassin veut "effacer toute frontière entre les hommes, reconnaissant à chacun d'entre eux les mêmes droits inséparables à la dignité d'être". En 1924, il fait partie de la délégation française à la Société des Nations. Après les accords de Munich, qu'il dénonce, il refusera de siéger à Genève. Dès le début des années 1930, averti des dangers du nazisme par des juifs allemands rencontrés lors d'un voyage en Palestine, il avait pressenti un nouveau conflit en Europe.

Prix Nobel de la paix pour ce défenseur des droits de l'homme

En juin 1940, il refuse l'idée d'un armistice, rejoint l'Angleterre et se présente le 29 juin au général de Gaulle. Ce dernier lui confie la mission de négocier l'accord du 7 août 1940 avec les Britanniques, accord qui fait de De Gaulle un allié à part entière et donne un statut à la France libre qu'il dote ensuite de structures juridiques et administratives propres à assurer la continuité de l'État et de la République.

À la demande du général de Gaulle, il prend la direction, en 1943, de l'Alliance israélite universelle qu'il dirigera jusqu'à sa mort. Secrétaire permanent du Conseil de défense de l'Empire français, président du comité juridique de la France combattante puis du Gouvernement provisoire de la République française (1941-1944), il est nommé, en 1944, vice-président du Conseil d'État, fonction qu'il exercera jusqu'en 1960.

Délégué de la France à l'ONU, René Cassin a fait partie, dès 1946, du petit groupe de spécialistes chargés de rédiger la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée à Paris le 10 décembre 1948 par l'assemblée générale des Nations-Unies. Aux côtés de la présidente de la commission, Eleanor Roosevelt, épouse de l'ancien président des États-Unis, il y joue un rôle majeur . il obtient que la Déclaration soit "universelle" et non "internationale", faisant admettre que les droits économiques, sociaux et culturels soient désormais considérés comme des droits fondamentaux.

En janvier 1959, il est choisi par l'assemblée consultative du Conseil de l'Europe pour siéger comme juge à la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il présidera de 1965 à 1968. Il reçoit le prix Nobel de la paix en octobre 1968 . le montant de la récompense lui permet de créer, en 1969, l'Institut international des droits de l'homme.

René Cassin participe par ailleurs activement à la vie institutionnelle de la France. Il préside, en 1958, le comité chargé de préparer la Constitution de la Ve République et reçoit, en 1959, en tant que vice-président du Conseil d'État, le serment du nouveau président de la République, le général de Gaulle. Il joue également un rôle essentiel dans la création du Conseil constitutionnel dont il est membre de 1960 à 1971.

Grand Croix de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, médaillé de la Résistance, commandeur des Palmes académiques, René Cassin décède le 20 février 1976 à Paris. Le 5 octobre 1987, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, son corps est transféré au Panthéon.

 

Source : In Les Chemins de la Mémoire, 188/novembre 2008

Alain Savary

Alger 25 avril 1918 - Paris 17 février 1988

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Le lieutenant de vaisseau Savary. Source : Collection du musée de l'Ordre de la Libération

 

Après des études secondaires menées à Paris, Alain Savary obtient une licence de droit et un diplôme de Sciences politiques puis intègre l'École du commissariat de la marine.

Il effectue la campagne de France dans le corps des commissaires avant de rejoindre l'Angleterre où, le 8 août 1940, il s'engage dans les Forces navales françaises libres (FNFL). Avec le grade d'enseigne de vaisseau, il devient l'aide de camp de l'amiral Muselier, commandant des FNFL. Après le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, celui-ci le nomme gouverneur de ce territoire, avec le grade de lieutenant de vaisseau.

En juin 1943, il rejoint en Tripolitaine, d'abord à l'état-major puis comme commandant du 2ème escadron, le 1er régiment de Fusiliers marins, qui devient un régiment blindé de reconnaissance intégré à la 1ère division française libre. Il participe, au sein de son unité, à la campagne d'Italie, au débarquement de Provence et à la libération du territoire national avant d'être nommé, en octobre 1944, à l'Assemblée consultative provisoire pour y représenter les Compagnons de la Libération.

En 1945, il est mis à la disposition du ministère de l'intérieur et entame alors une carrière de haut fonctionnaire et d'homme politique.

Secrétaire général du commissariat aux Affaires allemandes et autrichiennes, en 1946, puis conseiller de l'Union française, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, secrétaire d'État chargé des affaires marocaines et tunisiennes, il est premier secrétaire du parti socialiste de 1969 à 1971. Député de Haute-Garonne (1973-1981) et président du Conseil régional Midi-Pyrénées (1974-1981), il est ministre de l'éducation nationale de 1981 à 1984.

Alain Savary était officier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 (avec trois citations), médaillé de la Résistance et titulaire de la Silver Star (États-Unis).

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Blaise Pagan

1604 - 1665

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Blaise François, comte de Pagan. Auteur : Jacques Lubin. Source : Wikimedia Commons - domaine public

(Saint-Rémy-en-Provence, 1604 - Paris, 1665)

 

Ingénieur militaire français, maître de Vauban, Blaise François Pagan, forme avec Errard de Bar-le-Duc et Antoine Deville la première école française dans l'art de la fortification. Il est l'auteur de l'Art de la fortification où il incorpore le bastion dans le tracé de la fortification.

Blaise François, comte de Pagan, est né à Saint-Rémy-en-Provence, près d'Avignon. Sa famille est d'origine napolitaine, une branche de la maison de Luynes. Il entre très tôt au service de Louis XIII en tant qu'ingénieur militaire. Il se distingue dès 1620 lors du siège de Caen, au combat des Ponts-de-Cé, participe aux sièges de Saint-Jean-d'Angély et de Clérac en 1621, ainsi qu'à la prise de Navarreins, et à celui de Montauban en 1622 où il perd son oeil gauche. En 1623, il officie comme ingénieur pendant le siège de Nancy. Il acquiert sa renommé au cours du siège de Suse en 1629 lorsqu'il franchit à la tête des troupes françaises les barricades qui entourent la ville. La Guerre de Trente ans le conduit à travailler avec Deville lors des sièges de Corbie, Landrecies et Hesdin. Il participe aux sièges de La Rochelle, sert en Italie, en Picardie et en Flandre.

Devenu aveugle en 1642, il est promu Maréchal de camp, abandonne sa carrière militaire et consacre sa retraite à l'étude des mathématiques, de l'histoire et de la géographie, de l'astronomie, et à l'art de la fortification.

Pagan rédige un traité, Le Traité des fortifications (1645), où il expose les principes de la fortification. En particulier : commencer le tracé d'une place par les saillants de bastions les plus exposés pour s'adapter le mieux au terrain, la construction d'ouvrages extérieurs à l'enceinte permettant un bon échelonnement de la défense en profondeur et retardant l'attaque du corps de place. Les flancs de bastions sont perpendiculaires à la ligne de défense pour obtenir un flanquement réciproque parfait. Il se distingue en ce sens de Deville pour qui les bastions ne sont que des ouvrages avancés ajoutés et isolés, reliés ultérieurement à la place. La défense est assurée par une forte artillerie : il prévoit jusqu'à trente canons par bastion, répartis sur trois niveaux. Les dehors comportent un chemin couvert avec une petite place d'armes sur la contrescarpe (principe de défense active). Il prévoit d'utiliser l'espace entre le couvre-faces et l'enceinte principale pour le campement de villageois alentours. Ses principes resteront théoriques, mais seront repris par Vauban dans son premier système de défense.

Il est aussi astronome et conçoit une théorie des planètes. Il présente ses travaux dans : Théorèmes des planètes (1657), les Tables astronomiques (1658) et l'Astrologie naturelle (1659). Le mathématicien compose les Théorèmes géométriques en 1651. Ses autres écrits se rencontrent dans la Relation de la rivière des Amazones (1658) et dans les oeuvres posthumes (1669).

 

Sources : Dictionnaire des architectes, Paris, Encyclopaedia Universalis-Albin Michel, 1999, p. 494 - André Corvisier, dir., Histoire militaire de la France, Paris, Presses universitaires de France, 1992, tome 1

Guillaume II

1859-1941

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Portrait de Guillaume II.
Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

Guillaume II, fils de l'empereur Frédéric III et de l'impératrice Victoria, petit-fils de Guillaume 1er de Hohenzollern par son père et de la reine Victoria d'Angleterre par sa mère, est né à Potsdam le 27 janvier 1859.

Après des études au lycée de Kassel, il suit pendant deux ans les cours de l'université de Bonn et entame sa formation militaire dans les troupes de la Garde. Lieutenant au 1er régiment de la Garde à pied en 1877, capitaine en 1880, commandant aux hussards de la garde en 1881 puis du 1er bataillon du 1er régiment de la Garde à pied en 1883, il est promu colonel, commandant les hussards, en 1885 et nommé général en 1888.

Entre-temps, il épouse en 1881 la princesse Augusta-Victoria, fille de Frédéric-Auguste de Schleswig-Holstein. En mai 1844, il effectue un voyage en Russie pour conforter l'alliance des trois empereurs (Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie), selon les directives du chancelier Bismarck.

Couronné roi de Prusse et empereur d'Allemagne le 15 juin 1888, après le règne de trois mois de Frédéric III, il entend dès lors exercer un réel pouvoir politique. Son implication est cependant très fluctuante en fonction de son état de santé nerveuse.

Ses divergences de vues avec Bismarck, concernant notamment les questions sociales, les relations avec la Russie ou la politique coloniale se multiplient et, en 1890, ce dernier démissionne. Guillaume II nomme, pour le remplacer, Leo von Caprivi auquel succèdent, en 1894, le prince Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst, en 1900 le prince Bernhard von Bülow et en 1909 Theobald von Bethmann-Hollweg. Attaché au développement de la puissance militaire et de la richesse de l'Empire allemand, il s'engage alors dans une politique d'expansion commerciale, coloniale et maritime.

L'Allemagne connaît un essor économique important, devenant progressivement la première puissance industrielle en Europe. Les retombées sur le plan social ne manquent pas mais les tensions n'en sont pas moins nombreuses. Les sociaux-démocrates ne cessent de gagner du terrain, obtenant la plus large représentation au Reichstag en 1912. Sur le plan intérieur, le pays est par ailleurs également confronté à ses minorités : Polonais de Posnanie, Danois du Schleswig et Alsaciens-Lorrains qui refusent la politique de germanisation.

En Europe, la croissance de l'Allemagne comme sa politique extérieure inquiètent. La concurrence dans la recherche de débouchés commerciaux, les interventions au Proche-Orient ou dans les pays balkaniques sont autant de sujets de discorde, d'autant que l'empereur adopte une attitude oscillante, se rapprochant tantôt de l'une tantôt de l'autre des quatre autres grandes puissances européennes (Grande-Bretagne, France, Autriche-Hongrie, Russie). Ne reconduisant pas le traité d'assistance mutuelle avec la Russie en 1890, il consacre ses efforts à renforcer la Triple Alliance (Triplice) entre l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, renouvelée en 1892, 1902 et 1912, non sans quelques tentatives de rapprochement avec la Grande-Bretagne et la France (qui signent entre elles le traité de l'Entente cordiale en 1904) et la Russie elle-même. Les relations germano-anglaises ne cessent cependant de se détériorer. Le traité d'alliance défensive avec la Russie (traité de Björkö, 1905) est un échec. De même, la tentative de rapprochement avec la France après l'affaire d'Agadir (1911) n'aboutit pas. L'Allemagne se trouve de plus en plus isolée diplomatiquement. Guillaume II fait accélérer le renforcement de sa marine et de son armée.

Au cours du conflit qui éclate en 1914, commandant en chef des armées, il conserve son pouvoir de nomination aux plus hautes fonctions ainsi que son rôle de coordination et d'arbitrage entre politiques et militaires. Il doit cependant céder la direction des opérations à Hindenburg et Ludendorff, devenus très populaires à la suite des succès de Tannenberg et des lacs Mazures d'août et septembre 1914 et nommés à la tête du haut-commandement durant l'été 1916. Confronté à la défaite allemande et aux troubles révolutionnaires de novembre 1918, l'empereur abdique le 9. Il se réfugie aux Pays-Bas qui refusent la demande d'extradition déposée par les Alliés afin d'appliquer à son encontre les sanctions prévues par le traité de Versailles.

Il se consacre alors à l'écriture et publie, en 1922 et 1927, ses Mémoires : Ereignisse und Gestalten, 1878-1918 et Aus meinem Leben, 1859-1888. Il décède à Doorn, en 1941.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA